Actuellement, un grand débat fait rage au sein de la communauté financière considérant les rachats d’action. Le débat a d’ailleurs connu une reprise d’intensité dans les derniers mois, suivant la mise en place de systèmes pour soutenir les entreprises, par exemple les coupures de taxes, ces mesures leur donnant accès à une quantité importante de liquidités. Selon certains, les rachats d’actions peuvent être négatifs pour les investisseurs. Pour bien comprendre, généralement, avec ses liquidités, une entreprise possède quatre choix majeurs : acheter une autre entreprise pour croître, injecter de l’argent en recherche et développement, investir dans l’entreprise directement ou retourner de l’argent à ses actionnaires. Pour ce dernier choix, deux choix s’offrent à elle : un dividende ou un rachat d’action.
Afin de bien comprendre la situation, il faut savoir qu’un rachat d’action pour une entreprise cotée en Bourse se produit lorsque l’entreprise émettrice elle-même paie aux actionnaires la valeur marchande par action et réabsorbe une partie de sa propriété qui était auparavant distribuée aux investisseurs publics et privés.
La théorie derrière les rachats d’actions est qu’ils réduisent le nombre d’actions disponibles sur le marché et, toutes choses égales par ailleurs, augmentent ainsi le bénéfice par action sur les actions restantes, ce qui profite aux actionnaires. Pour les entreprises ayant des liquidités excédentaires, la perspective d’augmenter le bénéfice par action peut être tentante. Or, les entreprises le font rarement pour cette unique raison.
Ces rachats peuvent également être faits dans le but de créer un niveau de support pour le titre, notamment en période de récession ou lors d’une correction de marché.
De plus, un rachat augmentera le cours des actions. Cette logique s’explique par la simple notion d’offre et de demande. De ce fait, une réduction du nombre d’actions en circulation occasionne souvent une augmentation des prix. Par conséquent, une entreprise peut entraîner une augmentation de la valorisation de ses actions en créant une baisse de l’offre via un rachat d’actions.
Finalement, les rachats peuvent également être un moyen pour une entreprise de se protéger d’une prise de contrôle hostile, ou signaler que l’entreprise prévoit redevenir privée.
En revanche, bien que pendant des années, plusieurs ont pensé que les rachats d’actions étaient une chose entièrement positive pour les actionnaires, il y a certains bémols. Tel que mentionné plus tôt dans le texte, le rachat d’action augmente le bénéfice par action. Par conséquent, un rachat d’actions permet à une entreprise d’augmenter ce ratio important sans réellement augmenter ses bénéfices ou rien faire pour soutenir l’idée qu’elle devient financièrement plus forte.
Par exemple, considérons une entreprise avec un bénéfice annuel de 1000$ et 100 actions en circulation. Le BPA de cette entreprise est donc de 10 $. S’il rachète 10 actions en circulation, son BPA augmente immédiatement à 11.11$, même si ses bénéfices n’ont pas bougé. De ce fait, les investisseurs qui utilisent le BPA pour évaluer la situation financière peuvent considérer cette entreprise comme plus forte qu’une entreprise similaire avec un BPA de 10 $ alors qu’en réalité, l’utilisation de la tactique de rachat explique la différence de 1.11 $.
Aussi, une autre raison pourquoi les rachats d’actions sont controversés est que l’impact sur le bénéfice par action peut donner un coup de pouce artificiel au titre et masquer les problèmes financiers qui seraient révélés par un examen plus attentif des ratios de l’entreprise.
De plus, un autre élément fortement critiqué est que les dirigeants de l’entreprise pourraient utiliser les rachats d’action pour leur permettre de profiter de leurs programmes d’options d’achat inclus dans leur rémunération sans diluer le BPA.
Finalement, avec les coupures de taxes et les bas taux d’intérêt, de nombreuses entreprises se sont endettées pour racheter leurs actions, ce qui pourrait mettre l’entreprise à risque dans le cas d’une correction de marché, et encore plus dans le cas d’une récession.
En somme, selon une étude faite en juin 2019 par Bloomberg, plus de la moitié des bénéfices des entreprises américaines, soit 56%, sont affectés par des rachats d’actions. Ainsi, ce phénomène est loin d’être marginal et en mon humble avis, continuera de croître lors des prochaines années.
Par Nicolas Gauthier, B.A.A. profil Finance et contributeur chez DayTrader Canada