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Une panique traditionnelle, SVB!

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Difficile de parler d’autre chose cette semaine que la chute vertigineuse et soudaine de la Silicon Valley Bank (SIVB :Nasdaq) ainsi qu’une autre banque, encore moins connue que cette dernière. Dans la foulée de la déstabilisation des compagnies en technologies, ces institutions, que tous croyaient solides comme le roc, se sont effondrées en moins de 72h, projetant une onde-choc de panique sur les marchés. Mais que s’est-il passé?

La Silicon Valley Bank, ou communément référée SVB, est une institution financière qui cumule 40 ans d’existence. La banque s’est affichée comme une banque amicale auprès des compagnies de technologies, très tôt dans son histoire. Tout comme la croissance parabolique du secteur, la banque a connu une bonne croissance sur les marchés financiers, en faisant croître son actif sous gestion à plus de 8.8 milliards et affiche plus de 760 investissements caractérisés de licornes (ou unicorns en anglais, venant de la croissance effrénée de la capitalisation de ces compagnies, jusqu’à 1 milliard). La banque s’est même hissée au 16e rang des plus grandes banques des États-Unis en 2020 alors que le boom technologie se déployait sur le globe.

La SVB n’est cependant pas une banque ordinaire. Sa clientèle était très peu diversifiée, concentrée notamment en fonds capitaliste (Venture Capitals), compagnies de technologies et divers projets de cryptomonnaies. La banque procurait à ses clients des fonds ou financements pour leurs divers projets, avec la condition que ces derniers utilisent les services bancaires traditionnels qu’offrait SVB.

À cette époque, les entrées de fonds de la banque dépassaient largement la capacité de sa « petite » équipe d’investissement. Ils avaient donc pris la sage décision d’investir quelques milliards de ces fonds dans un outil très peu risqué, soit une obligation du gouvernement américain, générant 1.79% de rendement. Quoique cette décision ait été jugée prudente, elle ne pouvait être caractérisée de sensé. La banque venait de verrouiller une portion considérable de ses fonds dans un outil qui, malgré les croyances populaires, n’est pas si liquide, et qui l’est encore moins s’il se voit déprécié suite à, par exemple, des hausses taux.

Or, depuis plus d’un an, la Fed, face à l’augmentation de l’endettement et de l’inflation, augmenta son taux directeur, tout comme le Canada. Résultat, ces quelques milliards d’obligations ont perdu de leur valeur. La logique ici est que les coupons reçus des obligations sont moins attrayants que les nouvelles obligations émises par le gouvernement et sont actualisés à un taux plus élevé. À titre d’exemple, les obligations 10 ans en vigueur aux États-Unis génèrent 3.9%, très loin du 1.79% touché par SVB.

Les clients de SVB ont par la suite déclenché, involontairement, la chute de SVB. La grande majorité des compagnies à vocation technologique ont dû faire d’importants retraits de leurs comptes afin de payer les indemnités de licenciement sur les milliers d’employés qu’ils ont dû laisser partir. Ces retraits de masse ont poussé SVB à vendre certaines des obligations qu’ils détenaient, à perte, afin de respecter ses engagements avec ses clients. Un communiqué a été envoyé à la clientèle afin de laisser savoir qu’une vente d’actions à hauteur de 2.25 milliards aura lieu afin de couvrir ce « trou » dans leur bilan financier. Un plan d’action plutôt mal digéré par les investisseurs et clients. Le titre s’effondra de 60% en moins de 24h et les tentatives de lever des fonds échoua en fin de journée, jeudi dernier.

SVB financial group

Source : Tradingview – Cours des actions 1 an (Nasdaq : JPM; BAC; SIVB; SBNY), – 2023-03-13

Vendredi dernier, toutes les options étaient sur la table afin de sauver les ruines de la banque, incluant la vente de toutes les filiales. SVB a été placée sous tutelle par la FDIC, soit l’équivalent de l’assurance-dépôts (ou CDIC en anglais). Alors que le désastre se développait lors du dernier weekend, la Trésorerie américaine a fait savoir que les déposants seront protégés, mais que la banque elle-même ne le sera pas.

Cet évènement est survenu simultanément avec la chute de la Signature Bank (SBNY :Nasdaq). Dimanche dernier, Signature Bank a fait savoir qu’elle fermait ses portes. L’institution cumulant à peine 23 ans d’existence était la destination de choix pour les divers projets de cryptomonnaies. L’entité commerciale dite crypto-friendly, a connu le même sort avec des retraits dépassant largement ses capacités du moment. La FDIC a également pris contrôle de la banque et a vu son titre plongé de près de 25%, et s’est maintenu à 70$ l’action lundi alors que le Nasdaq a arrêté les transactions sur Signature Bank. De nombreux titres à travers les marchés ont vu leurs titres suspendus suivant la volatilité extrême découlant de ces évènements.

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Source : Bloomberg terminal news

Deux filons dorés sont à tirer de cet épisode chaotique. Les déposants, qui, en réalité, n’ont fait rien de mal, n’auront pas à essuyer de pertes dues aux faiblesses du management des banques. Ces derniers sont protégés et selon plusieurs, il s’agit de renvoyer une vague de confiance sur les consommateurs et investisseurs quant à la sécurité de leurs fonds. Ces banques, relativement petite en taille comparativement aux autres, ne devraient pas avoir d’impact aussi majeur que par exemple, la défunte Lehman Brothers.

Le deuxième, est qu’après un 48h de panique et d’anxiété sur les marchés traditionnels et de cryptomonnaies, ce dernier semblait déjà avoir repris du momentum dimanche en fin de journée. Le géant de la crypto, le Bitcoin ($BTC) a perdu près de 10% en moins de 12h jeudi, avec ses pairs faisant écho avec des pertes encore plus grandes. Cette perte de terrain a cependant été de courte durée, puisqu’une remontée rapide du cours du Bitcoin a été enregistrée, effaçant toutes pertes de la dernière semaine. Au moment de la rédaction, le Bitcoin se transigeait à un peu plus de 24 000$, soit 23% plus élevé que son cours de vendredi dernier.

Quoique les raisons soient multiples, les analystes croient que certains investisseurs ont entrevu la lueur de l’utilité d’un système indépendant et indifférent aux actions d’un management centralisé, les poussant vers les actifs digitaux. Il s’agirait donc d’un pivot de montants qui étaient autrefois dans le système traditionnel. À croire que les cryptomonnaies ne sont réellement pas sur le point de disparaître!

Sources:

https://www.bnnbloomberg.ca/canadian-tech-companies-have-options-in-wake-of-svb-collapse-analyst-1.1894848

https://www.cnbc.com/2023/03/13/how-the-signature-bank-silicon-valley-bank-failures-may-affect-you.html

https://www.fastcompany.com/90864027/why-svb-failed-silicon-valley-bank-collapse

https://www.forbes.com/sites/brianbushard/2023/03/13/what-happened-to-signature-bank-the-latest-bank-failure-marks-third-largest-in-history/?sh=5ddfd6a090ff

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