Cette semaine, l’attention se tourne vers l’administration Biden et le Congrès des États-Unis afin de connaître l’avenir de la dette souveraine. Le terme est de plus en plus connu de par les nombreux articles et mentions. Le debt ceiling, ou plafond de la dette est, encore une fois, scruté à la loupe avec les deux camps offrants arguments et contre-arguments à savoir quoi faire de cette monstruosité que l’administration américaine préfèrerait garder dans le placard. En réalité, à quoi fait-on référence avec ce plafond de la dette?
Pour cela, nous devrons reculer en 1917. Le Congrès avait alors imposé une limite sur la dette que le pays pouvait contracter dans la foulée de la Première Guerre mondiale et des différents enjeux auquel ils faisaient face. Alors que cette limite s’élevait à quelques millions voire milliards dans ses débuts, la limite a pris de l’ampleur, puisque le besoin y était. Ces besoins ont évolué à travers le temps. L’utilisation de la dette nationale est multiple, allant de paiements des bénéfices sociaux jusqu’au paiement des intérêts sur leurs obligations gouvernementales.
Alors que l’atteinte du seuil approche à grands pas, le 1er juin 2023 marquerait la première date estimative que la secrétaire d’État Janet Yellen avait soulevée où les États-Unis « manqueraient » à leurs obligations financières. Jusqu’ici, dans l’histoire du plafond de la dette, celui-ci a été rehaussé à 78 fois. En débutant l’année 2023 à plus de 31 trillons de dollars américains, le débat de rehausser le plafond, de le suspendre et même, de l’éliminer dans son ensemble refait surface. À titre indicatif, la dette américaine s’élevait à 23.5 trillions tout juste avant la pandémie. Pour les moins familiers, trillion s’écrit avec 18 zéros.
Les politiciens des deux côtés sont donc à négocier les conditions de ce nouveau rehaussement afin d’obtenir la majorité du Congrès requise et passer l’amendement en vigueur. Le point était notamment de se commettre à réduire les dépenses gouvernementales et considérer un avenir où repayer la dette souveraine est dans les cartes. Ces négociations prennent place présentement, alors que les parties s’entendent que le plafond devra vraisemblablement être relevé, les effets d’un potentiel manquement pourraient affecter la planète dans son ensemble.
L’effet d’un défaut de la première puissance mondiale aurait de nombreux impacts. Le premier étant celui d’une diminution instantanée de la crédibilité du pays, se traduisant en une réduction de la valeur du dollar américain. Une dégradation de leur cote de crédit, chose déjà vue alors qu’elle a été diminuée de AAA à AA+ en 2011, suite à un rehaussement du plafond seulement quelques jours avant que le pays manque effectivement de fonds. Toutefois, ce manquement peut également avoir des impacts réels et concrets sur la vie de certains. Les ménages recevant de l’aide gouvernementale sont à risque de voir leur aide coupée ou retirée. Les détenteurs d’obligations pourraient voir la valeur nominale de leur actif réduit. Les salaires des fonctionnaires gouvernementaux pourraient être affectés, bref, l’économie dans son ensemble figerait et amorcerait sa chute.
Ce dernier point est d’ailleurs l’aspect pouvant affecter la plus grande portion du marché mondial, de l’investisseur institutionnel jusqu’au tout petit investisseur récent. Alors que l’économie ferait effectivement marche arrière afin de couper toutes dépenses et limiter l’impact de la progression de la dette souveraine, les marchés financiers se verraient aux prises avec un accès limité à certains capitaux et d’autres options d’investissements simplement coupées. Il va de soi que la volatilité affichera des soubresauts d’envergures, dotés d’incertitude et d’allocation fortes à certains actifs caractérisés de valeur refuge. Après tout, à quoi bon investir dans une obligation gouvernementale si le principal de celle-ci comporte maintenant une prime pour le risque de crédit, cela va à l’encontre de la majorité des principes fondamentaux de la finance de marché.
Les marchés financiers seraient les premiers à écoper de ce manquement, découlant du nombre de participants, des outils en temps réels utilisés et des liens interreliant ces derniers. Ce genre de choc pourrait apporter une nouvelle vague de panique et de ventes soudaines, replongeant le marché des actions dans une chute difficilement contrôlable. Un tel scénario, quoique plausible, dépendra entièrement de la durée du manquement. Un défaut de quelques jours devrait être rapidement essuyé par les investisseurs. Un manquement plus long, nécessitant des appels de couverture marge, de pressions de ventes à découvert ou encore de vente d’actifs à prix dérisoires pourrait toutefois faire mal aux investisseurs.
D’autant plus que le réflexe primaire de biens des investisseurs en cas de volatilité extrême est de se tourner vers des obligations gouvernementales, celles-ci ne répondant plus aux mêmes critères qu’autrefois. Laisser une portion de ses investissements en dollars américains non investis pourrait également voir sa valeur dépréciée sur plusieurs semaines. Décidément, il s’agirait d’un scénario catastrophique pour plusieurs.
La bonne nouvelle est que ce scénario est peu plausible. Les partis d’opposition devraient trouver un terrain d’entente incessamment, pelletant une fois de plus le problème vers le futur, à moins qu’une solution miracle soit trouvée au problème d’endettement. Ne vous méprenez pas, le Canada, parmi tant d’autres, est également aux prises avec une dette ahurissante toutefois, elle ne s’élevait qu’à « seulement » 1,13 trillion en début d’année.
Ultimement, le 14e Amendement pourrait être utilisé. Ce dernier prévoit notamment que la validité de la dette souveraine ne doit pas être contestée ou remise en doute. Il devient donc inconstitutionnel de manquer à ses obligations financières. La validité d’une telle option est encore à prouver puisque certains croient que l’action sera jugée illégale par les tribunaux. Plutôt patriotique toutefois, non?
Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada
Sources:
https://www.cfr.org/backgrounder/what-happens-when-us-hits-its-debt-ceiling
https://www.forbes.com/advisor/personal-finance/debt-ceiling-hurt-your-finances/
https://www.bnnbloomberg.ca/quicktake/explained-what-is-the-u-s-debt-ceiling-1.1922869
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bonjour,
une approche très constructive.
Bien à vous
Bonjour Mr. Gélinas
Il ne faut pas confondre le trillion en anglais et le trillion en français.
La dette américaine est 31 000 milliards (31 000 000 000 000), donc on a 12 zéros et non 18 zéros.