Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada
Les derniers développements dans le secteur bancaire offrent, une fois de plus, des situations intéressantes à regarder cette semaine. Après la chute de la Silicon Valley Bank, de la Signature Bank ou encore la rescousse en urgence de Crédit Suisse (SWX :CSGN) par UBS (SWX :UBSG), la First Citizens BancShares (Nasdaq : FCNCA) lance une bouée de sauvetage à SVB, ce qui semble avoir été perçu comme la solution qui règle d’un coup tous les problèmes du système bancaire américain. Fascinant.
À ce moment, je ne crois pas apprendre la chute de la SVB à aucun lecteur, la banque américaine s’étant taillé un nom à travers le monde des technologies et venture capital de ce monde, n’a pas su faire face aux demandes de retraits grandissantes de ses clients. Il est toujours possible de lire le billet de la semaine dernière sur la chute de la SVB ici.
Cette semaine, tel un mirage pour les investisseurs, un acheteur potentiel a lancé une offre sur les restants de la Silicon Valley Bank. L’offre de la First Citizens s’adressait aux instances du gouvernement fédéral ayant pris contrôle de la banque suivant la mise en faillite de SVB. Elle visait notamment la majorité du portefeuille de prêts et autres actifs des clients de la SVB. Quoique la FDIC ait récupéré momentanément les opérations de SVB, leur vocation demeure loin d’opérer les activités bancaires quotidiennes de celle-ci, d’où son annonce hâtive de protéger les déposants, une action leur coûtant près de 20 milliards et de laisser le futur de la banque dans un statut incertain.
L’offre complète de First Citizens n’a pas été dévoilée. Les quelques termes ayant circulé pointent vers un escompte de 16.5 milliards sur la valeur au livre du portefeuille de prêts. Les filiales de SVB poursuivant leurs opérations ouvraient leurs portes ce lundi en étant une filiale de First Citizens. La FDIC, quant à elle, recevrait un équivalent de 500 millions d’équité en actions de First Citizens.
Nul besoin de mentionner que le titre de First Citizens aura connu une journée largement positive ce lundi sur les marchés boursiers. Le « sauveteur du système financier » voyait son titre finir la session à 895$, un bond de près de 54% par rapport à la journée de vendredi dernier. L’annonce du sauvetage a également eu des répercussions positives sur l’ensemble du système bancaire américain, particulièrement noté sur la First Republic (NYSE : FRC) progressant de 31%.
Malgré les circonstances alarmistes de la situation bancaire, certains économistes, tels que David Rosenberg, font bien de pointer que les cartes sur la table sont grandement différentes de celles qui étaient jouées par exemple, en 2008. M. Rosenberg fait notamment position qu’il s’agisse plutôt d’une anxiété ou perte de confiance envers le système bancaire plutôt qu’un manque de capacité de paiement. L’illiquidité des banques ne vient pas du manque de capital, mais plutôt du mouvement de ruée sur les banques, provoquant une crise de liquidités. Ces liquidités, investies ailleurs dans les marchés boursiers, pourraient faire objet d’une vente soudaine afin de couvrir la hausse des retraits, propulsé par une peur jugée irrationnelle.
Ces ventes soudaines, comme illustrées dans le cas de la SVB, provoquent une aggravation de la situation bancaire. Les dépôts des banques américaines ont d’ailleurs chuté à leur niveau le plus bas suivant les difficultés financières des banques citées.
M. Rosenberg peint d’ailleurs le portrait d’une situation où la crise de liquidités se poursuivait, obligeant les banques à réduire leur niveau de prêts aux particuliers et secteurs commerciaux, aggravant la situation économique de plusieurs et alimentant l’impact d’une récession.
Qu’en est-il de notre système bancaire canadien dans ce cas ? La première différence de taille entre nos deux systèmes est au niveau du nombre même de banque. Le Canada compte 28 banques domestiques, alors que les États-Unis en comptent plus de 7 000. Oui, 7 000. Le système américain incorpore les banques régionales et communautaires, en plus des banques nationales, soit les banques à grands noms, s’apparent aux Big Six canadienne, tel que RBC, TD, BMO, Scotiabank, CIBC et Banque Nationale du Canada, toutes sur le Toronto Stock Exchange.
La législation canadienne en place incorpore essentiellement deux paliers de régulations, soit fédéral et provincial. Ces paliers dictent les ratios de liquidités, capital, allocation du type d’actifs détenus et actifs tampons requis afin d’opérer au Canada. Ils légifèrent également les prérequis nécessaires quant aux prêts hypothécaires, ratios nécessaires pour la qualification et prévoient des mises de fonds initiales plus importantes que leurs contreparties américaines.
De par leur nature, les banques canadiennes sont également plus diversifiées dans leurs activités, touchant à la gestion de patrimoine, aux placements, à la planification financière et même aux assurances, volet qui amène également son lot d’exigences. Leurs rivaux américains sont quant à eux souvent plus concentrés dans leurs activités, misant davantage sur le volume d’affaires et le perfectionnement de leur processus interne afin de dégager les plus grandes marges.
Le système bancaire canadien, quoique plus rigide, n’est cependant pas à l’abri d’évènements de liquidités tels que vécu aux États-Unis ces derniers temps. Il est vrai que les instances législatives demeurent plus exigeantes, pour le bien de l’économie et du risque systémique de pose chacune des banques canadiennes. Les parts de marchés étant concentrées majoritairement à travers les six grandes banques, il va de soi que les coussins financiers reflètent la prime reliée à ce risque.
Sources:
https://www.reuters.com/business/finance/credit-suisse-how-did-it-get-crisis-point-2023-03-16/
https://www.bnnbloomberg.ca/ubs-to-buy-credit-suisse-in-historic-deal-to-end-crisis-1.1897609
https://www.ft.com/content/07888bca-2ddf-466f-9508-044ac68bb03d
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