Le prix du mea culpa des pétrolières

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Quoique le pétrole soit encore une nécessité dans nos quotidiens, les différents paliers gouvernementaux tentent par de nombreux moyens de réduire cette dépendance. Des incitatifs monétaires, des crédits d’impôt, des subventions et des prêts à taux réduits sont offerts aux entrepreneurs qui font de l’énergie verte et renouvelable leur mission primaire. Nos voisins du sud, ayant adopté l’Inflation Reduction Act en août de 2022, prévoient déployer plusieurs milliards afin de soutenir investissements, emplois et innovations sur ce créneau. De notre côté de la frontière, les grands joueurs de l’industrie pétrolière réclament eux aussi des changements pouvant les aider à répondre aux besoins des Canadiens.

La grogne de nos producteurs locaux découle d’ailleurs de l’adoption de cet Act aux États-Unis. Les investissements massifs prévus en sol américain deviennent un couteau à double tranchant. L’argument que le gouvernement américain n’effectuait pas de gros investissements face aux changements climatiques devenait récurrent pour le gouvernement canadien.  Il est devenu apparent récemment que le Canada sera laissé derrière si aucun support additionnel n’est apporté à l’industrie. Les dirigeants voient toutefois cette « inégalité » de support gouvernemental entre les deux pays comme une occasion de réclamer leur propre part afin de contribuer aux objectifs de carboneutralité.

L’Alliance Nouvelles Voies, ou Pathways Alliance en anglais, regroupe les six plus grands producteurs pétroliers dérivés de sables bitumineux. Notamment, sur le TSX, Canadian Natural Resources (CNQ), Cenovus Energy (CVE), Suncor Energy (SU), MEG Energy (MEG), Imperial Oil Limited (IMO) et sur le NYSE, ConocoPhillips Canada (COP). L’alliance produit 95% du pétrole de sables bitumineux au Canada et a déjà fait savoir aux marchés leur désir de devenir carboneutre d’ici 2050.

Ces avancements vers la carboneutralité se font notamment avec l’implantation de nouveaux systèmes et processus afin de capturer les émanations néfastes. La capture, utilisation et stockage du CO2 (ou CUSC) est un concept dont le Canada est bien familier et même un premier de file au monde. Les dirigeants notent toutefois que les investissements nécessaires afin de rendre ces activités possibles sont onéreux et demandent une expertise spécifique. Ce point est d’autant plus vrai lorsque les compagnies souhaitent effectuer une transition vers des combustibles plus faibles en carbone comme l’hydrogène et l’électricité.

Source : Site de Pathways Alliance – Notre plan

La bonne nouvelle dans ce plan est que des investissements dans la carboneutralité de nos pétrolières feront non seulement rouler l’économie canadienne, mais créeront des emplois de qualité et des projets de récupération pouvant être très rentables pour les corporations si l’efficience est au rendez-vous. D’ailleurs, un investissement convoité par l’Alliance est un centre de capture et stockage du carbone dans le nord de l’Alberta. Ce centre de capture pourrait voir le jour, au coût de 16.5 milliards de dollars canadiens. L’impasse dont le regroupement fait face aujourd’hui, est l’hésitation dont les paliers gouvernementaux font face sur ce genre d’initiatives.

Dans un scénario où les investissements sont réalisés aux États-Unis, mais pas au Canada, les investisseurs auront beaucoup plus d’incitatifs à regarder de l’autre côté de la frontière afin de faire fructifier leurs placements. Peu importe le narratif derrière, les grandes corporations n’apporteront pas de changements si ces derniers n’ont pas la possibilité de dégager une marge de profit intéressante, par exemple, la revente de produits dérivés du CO2 pour les produits chimiques ou industriels. De l’autre côté, si les investisseurs ont la chance de soutenir l’économie locale, à travers des projets dignes des critères ESG, ils auront une propension beaucoup plus élevée de déployer leurs liquidités localement. Il s’agit d’une pression énorme à gérer pour le gouvernement, soit le juste milieu entre un budget économiquement réalisable, et l’atteinte de cibles environnementales.

Le financement du projet cité plus tôt, devrait se faire à 66% par les fonds gouvernementaux, tandis que le 34% restant se financerait par les membres du groupe. Cette proportion s’apparente aux financements offerts dans les dernières années par les gouvernements européens et américains pour des projets similaires de décarbonisation. Le PDG de MEG Energy, Derek Evans milite activement pour le déploiement du financement public dans les initiatives vertes. Alors que la cible du Canada est de diminuer les émissions de 35 mégatonnes d’ici 2030 dans le milieu pétrolier, 22 de ces 35 mégatonnes pourraient être atteignables avec l’investissement majeur du centre de capture de CO2.

Le gouvernement canadien a dévoilé au budget 2022 un montant de 15 milliards, le Fonds de Croissance du Canada, afin de financer les initiatives de capture de carbone. Les pétrolières veulent évidemment leur juste part de ce financement afin de les aider à progresser dans leurs projets, en plus des incitatifs fiscaux reliés à ce type de projets. La marche demeure haute afin d’équilibrer le niveau d’aide procuré entre les États-Unis et le Canada.

Source : TradingView – Performance 5 ans des titres du Pathways Alliance

Parmi les craintes de M. Evans se trouve la capacité et volonté du gouvernement d’investir, mais également de savoir si la capacité au niveau de la main-d’œuvre sera au rendez-vous afin de réaliser le projet. Le taux de chômage au Canada se tenait à 5% en décembre 2022, un des niveaux les plus bas enregistrés au pays.

La note de la fin, quoiqu’un peu différente, appartient à Saturn Oil & Gas inc. (TSX-V) et son acquisition de Ridgeback Resources inc. pour un montant de 525 millions. Saturn ajoute ainsi à sa production quotidienne près de 30 000 équivalents de barils. La compagnie prévoit réduire son endettement dans les trois prochaines années et pourra à ce moment évaluer de potentiels ajouts à ses activités. Cet achat s’accompagne également d’investissements stratégiques de la part de GMT Capital Corp et Libra Advisors, deux joueurs de taille dans l’investissement du secteur pétrolier. L’acquisition prévoit être complétée au cours du 1er trimestre de 2023.

Sources:

https://www.bnnbloomberg.ca/canada-needs-clean-tech-subsidies-to-level-the-playing-field-meg-energy-ceo-1.1872932

https://www.reuters.com/business/energy/cenovus-energy-ceo-says-alberta-ottawa-must-turn-down-temp-talk-more-2023-01-23/

https://www.newswire.ca/news-releases/saturn-oil-amp-gas-inc-announces-acquisition-of-ridgeback-resources-inc-expanding-production-to-approximately-30-000-boe-d-and-bought-deal-financing-including-strategic-lead-orders-from-gmt-capital-corp-and-libra-advisors-llc-844289168.html

https://www.budget.canada.ca/fes-eea/2022/doc/gf-fc-fr.pdf

L’auteur de ce billet déclare ne détenir aucune position dans les titres mentionnés, et n’a aucune intention d’initier des positions dans les 72 prochaines heures. Cet article est une opinion et ne doit en aucun temps être considéré comme un conseil en investissement.

Le contenu de ce billet, les données financières et économiques incluant les cotes boursières ainsi que toutes analyses et interprétations de celles-ci sont fournies à titre d’information seulement et en aucun cas ne doivent être considérées comme étant une recommandation ou un conseil d’acheter, de vendre, de vendre à découvert ou poser tout autre acte envers toute valeur mobilière, tout instrument dérivé ou tout actif ou classe d’actif quelconque.

L’investissement autonome actif devrait être considéré comme une activité de nature spéculative qui peut comporter des risques importants pouvant entraîner des pertes significatives en capital. Un investisseur autonome actif se doit d’avoir une compréhension de sa tolérance au risque et de ses objectifs d’investissement avant de considérer l’investissement autonome actif comme activité.

DayTrader Canada et les membres de son équipe ainsi que les collaborateurs externes ne peuvent donner aucune garantie ni assurance que les transactions boursières effectuées par ses lecteurs ou clients seront profitables. De plus, les membres de l’équipe de DayTrader Canada, ses formateurs et les collaborateurs externes, ne donneront, en aucun cas durant des formations ou toutes autres activités, des recommandations d’achat ou de vente sur des instruments financiers en particulier.

DayTrader Canada, ses administrateurs, dirigeants, employés et mandataires ne seront aucunement responsables des dommages, pertes ou frais encourus à la suite de la mise en application des notions apprises dans ses formations et/ou de l’utilisation de ses services.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *