1er août 2024 – « If you cannot control your emotions, you cannot control your money. » – Warren Buffet
La finance comportementale apparaît vraisemblablement dans l’histoire sous sa forme officielle il y a environ un peu plus d’une quarantaine d’années. Les auteurs Daniel Kahneman et Amos Tversky publient en 1979 dans la revue Econometrica un article intitulé Prospect Theory : An Analysis Of Decision Under Risk. Cet article soulevait des critiques face aux modèles reconnus à l’époque et il avançait que des mécanismes subjectifs pouvaient prendre une place significative dans le processus de décision en contexte financier, voire occasionnellement plus grande que celle de la raison.
Aujourd’hui il est possible de définir la finance comportementale comme le champ de connaissances au croisement de la psychologie et de l’économie qui vise à analyser et comprendre comment le processus de décision en contexte financier peut être influencé et altéré par des facteurs émotionnels, cognitifs ou comportementaux (Singh, 2012; Kapoor & Prosad, 2017; Pompian, 2021).
D’accord. Ceci est la définition de la finance comportementale…et le rapport avec la bourse dans tout ça?
Selon la citation ainsi que la définition citée plus haut, que l’on soit un gestionnaire de portefeuille, un analyste-négociant professionnel ou un investisseur actif, nous serons donc influencés par des mécanismes qui se situent hors des chiffres et de la raison. À l’heure où les marchés boursiers intéressent et attirent une grande quantité d’individus, se connaître et s’instruire sous l’angle de la finance comportementale peut à terme constituer un levier supplémentaire de protection dans l’expérience de la négociation active sur les marchés.
Décortiquons la définition contemporaine pour explorer un peu plus ce qu’est la finance comportementale.
Le premier volet de la définition parle d’une influence par les émotions. Quatre grandes émotions sont répertoriées dans la littérature. Le « Fear », le « Greed », le « Hope » et le « Regret » (Taffler & Tuckett, 2010; Taffler, 2018; Dumanli & Aren, 2021). Toutes ces émotions peuvent être expérimentées sur un continuum ou un gradient d’intensité lors d’une transaction.
À faible intensité, imaginons un analyste-négociant professionnel ayant une position à profit. Dans sa réflexion, il pourrait se dire quelque chose comme « Et si le titre changeait soudainement sa tendance et que tu perdais ton profit accumulé…? ». Il s’agit ici du « Fear » ou la peur de perdre, mais sous la forme subtile d’un simple questionnement. Un analyste-négociant moins informé de l’influence des émotions pourrait donc contourner sa méthode habituelle de gestion de profit et sécuriser rapidement sous l’effet de cette peur à faible intensité le profit réalisé…pour se rendre compte ensuite que s’il avait respecté sa méthode, il ne serait pas sorti de la position considérant qu’aucun signal ne lui indiquait de le faire, qu’à terme le titre a poursuivi sa progression et qu’il en aurait été de même pour son profit.
À forte intensité, imaginons la crise boursière des Subprimes ou celle de la COVID. Un investisseur actif moins assidu dans son suivi de portefeuille aurait pu se rendre compte soudainement des pertes majeures projetées qu’il était en train de subir lors de ces crises. Si un sentiment de panique l’amène à contacter son courtier pour promptement liquider ses positions avec l’idée d’arrêter l’hémorragie, le « Fear » ou l’émotion de peur devient un facteur direct liée à une perte financière lourde. Considérant la récupération et la continuité de la croissance des marchés, le constat d’une telle influence de l’émotion sur les transactions peut devenir en plus directement une source de souffrance.
Le second volet de la définition parle de facteurs cognitifs, plus spécifiquement de biais cognitif. Il faut comprendre ici qu’un biais cognitif est un mécanisme de la pensée humaine qui produit une distorsion dans la lecture objective de la réalité amenant ainsi une altération du processus de décision (Haselton, Nettle & Murray., 2015; Acciarini, Brunetta & Boccardelli, 2020). En négociation boursière, les biais cognitifs sont nombreux.
À titre d’exemple, il y a le Anchoring Bias (Ling, Gilles & Wei., 2013). Imaginons à nouveau un négociant-analyste en processus d’examen d’un titre pour prendre une position. L’individu procède à l’application de son protocole, mais il démontre une préférence pour interpréter un indicateur en particulier, tel que la Stochastique. Le Anchoring Bias pourrait s’exprimer dans sa décision finale en accordant un poids subjectif trop grand au signal donné par cet indicateur et négliger d’autres signaux ou indicateurs tout aussi pertinents. Ce biais cognitif peut ainsi amener à une transaction de mauvaise qualité du point de vue de l’analyse et se traduire ultimement par une perte.
Le dernier volet de la définition concerne le comportement. À nouveau, par définition, le terme comportement doit être entendu comme une réaction objectivement mesurable en réponse à une stimulation provenant de l’environnement immédiat (Uher, 2016). En bourse, il existe encore une longue liste de comportements ne menant pas nécessairement à des transactions profitables.
Comme exemple, il existe le Herd Behaviour (Chiang & Zheng, 2010). Sous l’effet d’un événement ou d’une nouvelle, une certaine quantité d’acteurs sur les marchés peuvent choisir d’opérer des transactions de masse pour entrer ou sortir d’une position, avec un effet majeur de fluctuation soudaine des prix. Un négociant-analyste non-avisé de la finance comportementale et des subtilités pourrait en réponse à ce mouvement de masse pourrait se mettre à imiter ces prises de positions sans en faire une analyse au préalable. Mais comme il réagit en réponse à cette stimulation, et donc avec une prise de recul limité, l’individu peut se retrouver bon dernier dans l’ordre des transactions, encaisser des pertes ou acheter à un coût déraisonnable, pour tout aussi soudainement voir le prix se régulariser une fois l’événement ou la nouvelle passée.
En somme, il est raisonnable de considérer qu’avec ces connaissances répertoriées dans la littérature scientifique, les processus de transactions en bourse sont influencés par autre chose que l’analyse et la raison. Dans ce texte, un simple survol de la finance comportementale a été réalisé et ce domaine contient beaucoup d’autres notions qui n’ont pas été abordées. L’objectif se voulait de créer un écrit autant que possible vulgarisé et pouvant intéresser les lecteurs à se familiariser avec le concept. Ultimement, l’objectif de ce gain de connaissances pour le gestionnaire de portefeuille, le négociant-analyste ou l’investisseur actif est d’en arriver à mieux se connaître lui-même, à pouvoir développer des stratégies d’ordre psychologique pour améliorer son expérience dans les transactions et potentiellement d’en arriver à une plus grande protection de ses avoirs.
Références :
Acciarini, C., Brunetta, F. & Boccardelli, P. (2021). Cognitive Biases And Decision-Making Strategies In Times Of Change : A Systematic Literature Review. Management Decision, 59(3), 638-652.
Chiang, T. & Zheng, D. (2010). An Empirical Analysis Of Herd Behavior In Global Stock Markets. Journal Of Banking & Finance, 34(8), 1911-1921.
Dumanli, A.N. & Aren, S. (2021). Emotional Finance: As A New Approach To Understanding The Markets. Journal of Life Economics, 8(2), 173–183.
Haselton, M.G., Nettle, D. & Murray, D.R. (2015), The Evolution Of Cognitive Bias, in Buss, D.M. (Ed.), The Handbook of Evolutionary Psychology, Wiley, Hoboken, New Jersey, pp. 1-20.
Kahneman, D. & Tversky, A. (1979). Prospect Theory : An Analysis Of Decision Under Risk. Econometrica, 47(2), 263-292.
Ling, C., Gilles, H. & Wei, J. (2013). The Role of Anchoring Bias in the Equity Market: Evidence from Analysts’ Earnings Forecasts and Stock Returns. Journal Of Financial And Quantitative Analysis, 48(1), 47-76.
Kapoor, S & Prosad, J.M. (2017). Behavioral Finance: A review. Procedia Computer Science, 122, 50-54.
Singh, S. (2012). Investor Irrationality And Self-Defeating Behavior: Insights From Behavioral Finance. Journal of Global Business Management, 8(1), 116.
Pompian, M. M. (2021). Behavioral Finance And Your Portfolio : A Navigation Guide. Wiley Edition, Hoboken, New Jersey.
Taffler, R. J. & Tuckett., D.A. (2010). Emotional Finace : The Role Of The Unconscious Financial Decisions. Wiley Edition, Hoboken, New Jersey.
Taffler, R. J. (2018). Emotional Finance : Investment And The Unsconscious. The European Journal Of Finance, 24 (7-8), 630-653.
Uher, J. (2016). What Is Behaviour? And When Is Language Behaviour? A Metatheoretical Definition. Journal For The Theory Of Social Behaviour, 46(4), 475-501
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