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Au revoir récession, bonjour stagflation

L’inflation fait les manchettes cette semaine, avec les dernières lectures américaine et canadienne de la semaine passée et cette semaine. Elle a également été dans la mire des régulateurs et de la politique pour plusieurs mois, voire années maintenant, et quoique le rythme de croissance a décéléré, l’indicateur demeure au-dessus de la fourchette cible. La question se pose réellement dans un tel scénario : de quoi a-t-on besoin pour retrouver la cible au juste ?

La question est simple, la réponse cependant, l’est peu moins. Un peu de définitions s’imposent afin de mieux comprendre les interrelations entre les acteurs. Évidemment, l’inflation indique une hausse persistante du niveau des prix moyens dans le temps, impliquant de l’autre côté une baisse du pouvoir d’achat d’un consommateur. Cette hausse de prix vient de multiples canaux soient le coût de se loger, l’énergie, les biens et services brefs, tout ce qui peut être acheté pratiquement. C’est d’ailleurs l’approche de la Banque du Canada (et de la Fed aux États-Unis) afin de mesurer cet indice : prendre un panier de biens courants et mesurer le prix de ce même panier d’une période à l’autre.

La fourchette cible de la BoC et de la Fed est historiquement entre 1% et 3%. Il s’agit du niveau où la faible hausse de l’inflation se fond avec le reste et le consommateur ne ressent aucun besoin d’effectuer de modifications à ses habitudes de vie et budgétaire. Or, aux États-Unis, l’inflation annualisée s’est inscrite à 4.70% en 2021, 8% en 2022 et 3.70% jusqu’à présent en 2023. Du côté canadien, il s’agit d’une progression de 3.40%, 6.80% et 3.80% pour les mêmes intervalles de temps.

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Pour enrayer une telle progression comme nous le vivons présentement, un outil rapide et historiquement efficace s’impose : les hausses de taux directeur. Puisque nous sommes maintenant familiers avec ces hausses de taux, il est bon de se rappeler tous les canaux de l’économie que ces taux touchent réellement.

Sans aucune surprise, votre taux hypothécaire. Il s’agit d’une composante dite « collante » ou « Sticky » de l’inflation. Ces composantes sont des morceaux de l’économie qui n’ont pas la même fréquence de changement de prix, souvent moins fréquent, comparativement à l’alimentation ou le prix des automobiles par exemple. Il en devient donc plus difficile d’acheter l’immobilier avec des taux élevés, ralentissant la surenchère et indirectement, les hausses de prix de vente. Ce créneau est également affecté par les nouvelles constructions. Alors que l’on pourrait se dire bêtement d’augmenter le nombre de maison ou logis construit afin de réduire la pression sur les prix, les entrepreneurs doivent quant à eux œuvrer avec minutie face à la charge d’intérêt se rattachant à leur financement.

Il faut également comprendre que toutes les compagnies et corporations sont également exposées de près ou de loin à ces taux. Pour une compagnie endettée, comme AT&T Inc. (NYSE :T) qui détenait pour plus de 128 milliards de dollars en dette long terme et d’un ratio d’endettement de 54.8% en Q2 2023, nombreux sont leurs prêts avec des taux basés sur le taux directeur ou encore, sur les taux interbanques (LIBOR, EURIBOR, SOFR etc.). Malheureusement pour le consommateur individuel, ces hausses lui sont souvent refilées à travers les nouvelles tarifications de produits qu’il achète.

Les produits et services affichant des étiquettes de prix plus élevés, les employés pousseront leurs employeurs à verser des salaires bonifiés pour y faire face et ces derniers pourront en refiler une portion au consommateur de leur propre produit. Les épiceries reçoivent des factures plus salées des producteurs faisant face à une augmentation de leurs propres coûts d’opération, vendent les produits plus chers afin de conserver une certaine marge de profitabilité, bref, le cercle vicieux est déjà bien entamé.

Les hausses de taux découlant de la politique monétaire ne connaissent pas non plus un effet instantané. Une période de 12 à 16 mois est nécessaire afin de sentir le plein effet. Les commerçants ont, entre-temps, adopté une nouvelle mode de réduflation (ou shrinkflation), en réduisant leur format de produit en laissant le prix intact. D’autres ont capitulé face au format et simplement opté pour les multiples hausses d’un mois à l’autre en espérant que le portefeuille des ménages est encore assez profond. Certains analystes et économistes voyaient une récession étant proche d’une bénédiction, soit un choc baissier soudain, faisant certes mal à toute l’économie, mais qui s’apparente plus à retirer d’un coup sec un diachylon d’une blessure, elle guérira.

Ces derniers se sont cependant ravisés en voyant la résilience de l’économie. Un soft landing est maintenant anticipé, la question est de savoir quand exactement et la réponse demeure floue. Ce qui nous amène donc à un scénario peu enviable; la stagflation.

La stagflation est caractérisée par une période prolongée d’inflation forte (ici, lire au-dessus de la fourchette cible) tout en ne connaissant aucun gain économique ou même une perte. Ce scénario s’inscrit d’ailleurs aisément dans les derniers discours de M. Powell, président de la Réserve Fédérale américaine. Les taux devront être maintenus plus élevés, et ce, pour plus longtemps. Le taux d’emploi demeure relativement stable pour le moment, à l’exception des exercices de licenciements multiples au niveau des technologies.

Quoique les signes ne pointent pas vers une 12e hausse de taux en novembre prochain aux États-Unis, les marchés et ménages ne devraient pas crier victoire trop rapidement. À voir la tendance des grandes corporations et leurs méthodes d’ajustement des prix, l’inflation pourrait bien être stagnante encore pour quelques mois.

Le véritable test de notre côté de la frontière toutefois, se trouvera en 2025 et 2026, alors qu’il est estimé que plus de la moitié des hypothèques canadiennes devront être renouvelées. Une augmentation des paiements hypothécaires estimée entre 20% et 25%, de quoi refroidir les ardeurs de tout acheteur dans le milieu.

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

Sources:

https://www.cnbc.com/2023/10/12/getting-to-2percent-inflation-wont-be-easy-this-is-what-will-need-to-happen-and-it-might-not-be-pretty.html

https://about.att.com/story/2023/q2-earnings.html

https://www.banqueducanada.ca/2020/08/inflation-expliquee/

https://www.bloomberg.com/news/newsletters/2023-07-26/hsbc-sees-us-stagflation-not-recession-as-worst-case-scenario

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