Faits Saillants
Un marché dopé par un double catalyseur: inflation en décélération et appétit pour l’IA
Wall Street a clôturé à des niveaux records vendredi, porté par un cocktail rare de données d’inflation plus clémentes que prévu et d’une saison de résultats dominée par les géants de la technologie et des semi-conducteurs. Au-delà de l’instantané boursier, ce rallye repose sur une réévaluation rapide de la trajectoire des taux directeurs de la Réserve fédérale, sur fond de désinflation progressive et de résilience sélective des bénéfices.
L’indice des prix à la consommation (CPI) de septembre, un peu en deçà du consensus, a déclenché un repositionnement éclair des anticipations monétaires. Les marchés à terme intègrent désormais trois baisses de 25 points de base d’ici mars, contre un calendrier décalé à avril auparavant, avec une première détente de 25 pb attendue dès la réunion du 29 octobre. Pour Eric Gerster, CIO d’AlphaCore Wealth Advisory, “le signal est suffisamment positif pour ouvrir la voie à un assouplissement immédiat et accroître la probabilité d’au moins deux relâchements supplémentaires d’ici la fin du premier trimestre”. Autrement dit: la fenêtre de “soft landing” se rouvre, et la prime de duration remonte.
Cette détente des rendements a servi de vent arrière transverse. À 09h54 (heure de New York), le Dow Jones gagnait 0,78% à 47 101 points, le S&P 500 0,79% à 6 792, et le Nasdaq Composite 1,03% à 23 177, tandis que l’indice Russell 2000, sensible aux taux, avançait de 0,9%. Ce qui distingue cette jambe de hausse, c’est son leadership sectoriel: la techno et les semi-conducteurs, certes, mais aussi des segments “rate-sensitive” comme la consommation discrétionnaire et une partie des financières.
Intel mène les semi-conducteurs, l’“IA trade” en apesanteur
Le pivot accommodant attendu de la Fed ne fait pas tout. Le catalyseur microéconomique provient d’Intel, en hausse de 4% après des bénéfices trimestriels largement supérieurs aux attentes, ravivant la thèse d’un cycle capitalistique “IA + edge + foundry” plus robuste que prévu. Dans le sillage, AMD (+5,7%), Micron (+3,4%) et Nvidia (+1,9%) ont prolongé la poussée, propulsant le Philadelphia Semiconductor Index à un plus-haut historique (+1,8%).
La dynamique n’est pas qu’un phénomène de “multiple expansion”; elle s’appuie sur des signaux tangibles de demande d’accélération compute, de normalisation des stocks mémoire et d’ordres liés aux capacités d’entraînement de modèles IA. Alphabet a progressé de 2,4% après l’annonce par Anthropic de l’utilisation de “dizaines de milliards de dollars” de puces IA Google pour entraîner son chatbot, un rappel que l’économie de l’IA se traduit déjà par des capex massifs et des revenus associés dans le cloud et le silicium.
Consommation, financières, et dispersion des résultats
La surprise ne s’est pas limitée aux puces. Procter & Gamble a dépassé les attentes trimestrielles, porté par la beauté et le soin capillaire, validant une thèse de “trading up” résiliente dans certaines niches de la grande conso malgré une élasticité-prix plus visible sur d’autres catégories. Les financières ont également progressé d’environ 1,1%, profitant d’une courbe des taux moins restrictive pour la marge d’intérêt nette et d’un risque de crédit perçu comme contenu.
À l’inverse, Deckers Outdoor a déçu sur ses perspectives de ventes annuelles, sanctionnée de 14,4%, révélant la sélectivité féroce du marché sur les guidances. Ford a bondi de 9,3% après un trimestre meilleur que prévu, tandis qu’Alaska Air a reculé de 4% après un abaissement de guidances et un incident technique. Cette dispersion illustre un marché qui, sous la surface des records, continue d’arbitrer finement les trajectoires de cash-flow et la crédibilité des plans 2025.
Macro: désinflation, mais vigilance sur les données et l’activité
Si le scénario idéal domine, le tableau macroéconomique reste nuancé. L’activité des affaires n’envoie qu’un signal de reprise timide en octobre. La Maison Blanche a par ailleurs averti que la publication du prochain rapport d’inflation pourrait être perturbée par le “shutdown” gouvernemental, entré dans son 24e jour — une source potentielle de volatilité de données et donc d’incertitude pour la Fed. En langage de marché: la trajectoire est favorable, mais l’erreur de calibration reste un risque bilatéral.
Pour les investisseurs, la séquence fonctionne comme un ajustement de régime: moindre pression sur les taux réels à long terme, expansion de multiple sur la croissance visible (IA, cloud, semi-conducteurs), réappréciation des segments sensibles aux taux (SMid caps, logement, conso discrétionnaire de qualité), et retour des flux vers les actions américaines larges. Sur le plan technique, l’advance-decline est restée solide (ratio 4,14:1 au NYSE, 3,24:1 au Nasdaq), avec 25 nouveaux plus-hauts à 52 semaines sur le S&P 500 contre un seul nouveau plus-bas, et 76 nouveaux plus-hauts sur le Nasdaq.
Politique commerciale: Trump met fin aux pourparlers tarifaires avec le Canada
En parallèle du rallye, une note discordante est venue du terrain politique. L’ex-président Donald Trump a annoncé la fin de toutes les négociations commerciales avec le Canada, en réaction à une campagne publicitaire ontarienne utilisant la voix de Ronald Reagan pour critiquer les tarifs douaniers. La Ronald Reagan Presidential Foundation a dénoncé une utilisation trompeuse et non autorisée d’un discours de 1987, affirmant examiner ses options légales. Doug Ford, Premier ministre de l’Ontario, a répliqué en partageant la vidéo intégrale où Reagan mettait en garde contre l’escalade tarifaire et ses coûts pour les consommateurs.
Au-delà de la joute médiatique — Trump soutenant que Reagan “aimait les tarifs pour la sécurité nationale” — l’enjeu pour les marchés tient à la sensibilité des flux commerciaux nord-américains à toute résurgence de guerre tarifaire. Les chaînes d’approvisionnement intégrées USA-Canada, en particulier dans l’automobile, l’énergie et l’agroalimentaire, pourraient voir ressurgir une prime de risque si la rhétorique se traduisait en mesures concrètes. Pour l’heure, l’impact est surtout politique; les actifs réagissent davantage à la courbe des taux qu’aux manchettes commerciales. Mais l’historique 2018-2019 rappelle qu’un choc tarifaire peut rapidement se diffuser aux anticipations de marges et aux capex.
Fed, valorisations et ce que le marché price déjà
La clé de voûte reste la Fed. Trois baisses de 25 pb d’ici mars représentent une détente cumulative de 75 pb déjà en partie “pricée”. Si la désinflation se poursuit et que l’activité tient, l’atterrissage en douceur justifie une prime de croissance plus élevée et des multiples soutenus sur la tech de méga-capitalisation — avec un test immédiat: les publications imminentes de cinq membres des “Magnificent Seven”, dont Apple et Microsoft. Mais si l’inflation de services se montre tenace, ou si la publication des données est perturbée par le shutdown, le calendrier des baisses pourrait se décaler, recomprimant les multiples.
Côté bénéfices, le “beat” d’Intel n’efface pas les déceptions récentes de Tesla et Netflix, qui ont pesé sur le sentiment. La saison s’annonce contrastée, avec une forte prime à l’exécution. Dans les financières, l’équation marge d’intérêt nette – coût des dépôts – pertes de crédit reste au centre; dans la consommation, la mixité pricing/volume devient critique; dans l’IA, la bataille des capex et des parts de marché dans le silicium et le cloud fait loi.
Regard au-delà du titre: que disent les flux?
Les données de “breadth” et de nouveaux plus-hauts témoignent d’un marché plus “large” qu’au cœur de l’été. Si cette largeur se confirme au fil des semaines, l’avancée gagnera en durabilité. À l’inverse, un retour à un leadership ultra-concentré et une divergence des indicateurs d’élan plaideraient pour davantage de prudence. Le calendrier des résultats des “Mega Tech” sera déterminant: il peut consolider l’appétit au risque ou, au contraire, cristalliser des prises de profit si les guidances 2025 déçoivent.
Pour l’instant, l’alignement des planètes reste favorable: inflation qui refroidit, courbe qui respire, bénéfices IA qui surprennent, flux qui reviennent. Mais les marchés à records exigent une discipline d’exécution: surveiller la Fed, les données d’inflation, l’évolution des capex IA, et la rhétorique commerciale entre Washington et Ottawa.
Source :
https://www.cnbc.com/2025/10/24/trump-canada-trade-reagan.html
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