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Couvrir ou ne pas couvrir?

Par Olivier Gélinas, Analyste Financier, Contributeur pour DayTrader Canada

La semaine a débuté sur les chapeaux de roues, avec la baisse fulgurante de la livre sterling contre le dollar américain. Une baisse si importante qu’elle aura atteint son niveau le plus bas depuis 20 ans, touchant brièvement $1.03US avant de remonter vers les $1.06US. La nouvelle en ébranla plus d’un sur les marchés. Quoiqu’il s’agisse d’une bonne nouvelle pour les Américains achetant des biens anglais, l’inverse est plutôt problématique. Si vous avez suivi la progression du dollar canadien contre le dollar américain dans les derniers mois, vous trouverez une relation similaire : le standard américain s’impose. Une détérioration qui s’avère coûteuse de notre côté de la frontière.

La chute de la livre sterling en début de semaine a quelque peu été provoquée par le gouvernement. Dans un marché déjà bien frileux, Kwasi Kwarteng, le nouveau ministre des Finances, largua une nouvelle à 45 milliards de livres sterling sur les marchés : des coupures d’impôts. L’intuition voudrait que les marchés se réjouissent d’une telle annonce, toutefois, les préoccupations se sont plutôt tournées vers la solidité de la politique économique du Royaume-Uni. Il s’agit d’un plan plutôt ambitieux en pareil temps, que de contracter un emprunt afin de contrebalancer le manque à gagner découlant de ces coupures.

La Banque d’Angleterre se dit prête à augmenter les taux directeurs afin de contrer l’inflation dont les citoyens se voient être la cible. Le mois d’août a vu l’indice d’inflation grimper à 9.1%, alimentée par le prix de l’énergie.  Ces derniers ont fait les manchettes dans les derniers mois, rapportant une augmentation moyenne de 30% au Royaume-Uni par rapport au reste de l’Europe.

GBPUSD
Source: TradingView, GBPUSD Chart – 1 an

De notre côté de la frontière, l’érosion du huard, malgré son retour à la normale vers les 79 sous, n’a pas pu résister dernièrement, tombant à son niveau le plus bas en 2 ans. Plusieurs facteurs affectent la performance plutôt triste du dollar canadien face à son comparse américain. La faiblesse des marchés financiers, l’inflation qui perdure, les hausses de taux et la tendance globale des marchés de se réfugier dans le dollar américain lorsque la volatilité demeure trop élevée à leur goût. Une faible demande pour le huard, et une plus forte pour le greenback.

CADUSD
Source: TradingView, CADUSD Chart – 1 an

Ce qui nous amène donc à nos portefeuilles, souvent pondérés lourdement sur les marchés locaux, soit des titres sur le TSX, dénominés en dollar canadien. Certains investisseurs ont plutôt opté pour une diversification internationale, mais en couvrant la portion « devises » de leurs investissements. Il est à se rappeler que l’investissement à l’international se décortique en plusieurs segments. Deux de ses segments sont la contribution du marché de l’équité étranger, soit la performance réelle du titre étranger, ainsi que la performance venant de la paire de devises, par exemple, la progression du dollar canadien contre le dollar américain.

La logique ici est qu’un fonds négocié en bourse (FNB) se voit souvent offert en version non couverte pour la devise, laissant les deux segments de rendements, ou encore couverte, laissant uniquement le rendement de l’actif sous-jacent, en éliminant la fluctuation de la devise, moyennant des frais de gestion. À titre d’exemple, prenons le populaire FNB de Blackrock sur le S&P 500. Ce FNB s’offre sur le TSX sous les versions non couvertes XUS et couverte soit XSP.  

Dans le graphique ci-dessous, la version couverte, XSP, a enregistré un recul de -21.15% dans les 6 derniers mois, alors que la version non couverte, XUS, a enregistré -12.36%, soit un gain de performance de près de 9%. Évidemment, la période observée demeure une perte nette dans les deux cas. Cependant, le gain additionnel enregistré avec la version non couverte fait également bénéficier de l’appréciation de valeur de la devise américaine contre la canadienne. Comme l’indique le premier graphique ci-dessous, la performance des 2 FNB sont bels et biens en recul. Si l’on regarde la performance du dollar canadien contre l’américain, on peut voir que le dollar américain s’est apprécié de près de 9% dans les 6 derniers mois, soit la différence de rendement des 2 outils.

TSX XSP
Source: TMX, performance 6 mois TSX:XSP et TSX :XUS
taux de change quotidien CADUSD
Source: Banque du Canada – taux de change quotidien CADUSD, 03-2022 à 09-2022

Bien entendu, cette illustration ne présente qu’un seul scénario parmi tant d’autres. Avant de lancer tous ses investissements internationaux en formule non couverte, davantage de préparation est requise, elle ne s’adresse pas à tous les types d’investisseurs. Un facteur à considérer, est que les grandes paires de devises par exemple le Yen japonais, la livre sterling, le dollar canadien, etc., ont tous une tendance de retour à la moyenne. Les cycles peuvent être de diverses longueurs et les chocs, multiples, toutefois un niveau d’équilibre est habituellement retrouvé à la fin de ces cycles. La volatilité enregistrée dernièrement dans le marché des devises est une réponse directe aux différentes polices monétaires et fiscales déployées dans les grandes économies mondiales.

Un second facteur d’importance est l’horizon de placement. Comme tout juste mentionné, les nombreux chocs ces dernières semaines, ne sont que d’infimes segments pour un investisseur ayant un horizon de 10 ans et plus. À l’inverse, un investisseur envisageant la retraite et une stabilité au niveau de la performance de son portefeuille sera beaucoup affecté par ces chocs. Un long horizon de placement peut généralement encaisser les chocs au fil des aléas économiques, ce qu’un horizon plus court ne peut se permettre. Ceux misant davantage sur la stabilité de leur portefeuille préféreront une avenue moins volatile, couvrant ainsi le risque (mais également le rendement potentiel) de la devise étrangère.  Les plus jeunes quant à eux, pourraient avoir avantage à conserver leurs investissements non couverts, évitant ainsi la prime sur les frais de gestion, qui elle aussi, impactera le rendement final du véhicule.

Sources:

https://www.bnnbloomberg.ca/lagging-loonie-highlights-importance-of-portfolio-currency-strategy-1.1823917

https://www.msci.com/documents/1296102/1337274/Currency+hedging+infographic.pdf/c0ee08f1-1bfb-6e32-3660-2ad22c5d9e1d

https://www.rbcgam.com/en/ca/learn-plan/investment-strategies/what-is-currency-hedging/detail

https://www.washingtonpost.com/world/2022/09/26/uk-gbp-pound-falls-usd-dollar/

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