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Banques, Or, Bitcoin et Tarifs Automobile : 4 plaques tectoniques qui redessinent la carte financière mondiale

L’onde de choc partie des États‑Unis vendredi a fait vaciller les banques de Tokyo à Madrid. Dans le même temps, l’or et l’argent enfoncent des records historiques tandis que le bitcoin cale sous des résistances clés. Surtout, le volet commercial ne se joue plus seulement à Washington: l’allégement ciblé de droits de douane sur des pièces auto au sud de la frontière rebat les cartes de compétitivité pour l’Ontario, alors que Stellantis envisage de déplacer une partie de la production de Brampton vers l’Illinois et qu’Ottawa arbitre des droits de 100% sur les EV chinois au cœur d’un bras de fer plus large (canola, acier, aluminium).

Ces quatre dynamiques – risque de crédit bancaire, ruée vers les métaux précieux, hésitation crypto et réalignement tarifaire nord‑américain/asiatique – racontent une même histoire: le capital se repositionne face à la fin de l’argent gratuit, au retour de la prime de risque, et à une géopolitique commerciale qui pèse directement sur l’emploi et la chaîne d’approvisionnement au Canada.

Ce billet propose une lecture intégrée de ces mouvements, avec un prisme investisseur sur : banques mondiales, prêts douteux, indice bancaire européen; or record, prix de l’argent; bitcoin autour de 110k; tarifs automobile USA, implications pour Stellantis Brampton/Windsor, droits de 100% sur les EV chinois, coûts de production et effets sur l’écosystème manufacturier ontarien.

Banques: le spectre des prêts douteux rallume la prime de risque

La séance de vendredi a rappelé une règle immuable des marchés: les mauvaises nouvelles bancaires voyagent plus vite que la lumière. Après la divulgation de prêts défaillants chez Zions et Western Alliance, les grandes financières américaines ont reculé en pré‑ouverture (JP Morgan −1,5%, Citi −1,9%, Bank of America −2,9%), entraînant une correction systémique des banques mondiales. En Europe, l’indice Stoxx Banks a cédé près de 3%; Sabadell a chuté de 8,9% (sur fond d’échec de l’offre de BBVA), Deutsche Bank de 6,9%, Barclays de 5,4%. En Asie, l’impact s’est concentré sur les acteurs exposés aux États‑Unis: Mizuho −4%, Sompo −4,7%, Tokio Marine −3,5%, HSBC à Hong Kong −2%.

  • Message des marchés: le risque de crédit redevient le baromètre. Les « poches de fragilité » américaines réveillent l’inquiétude sur la qualité des actifs et la discipline de souscription, dans un contexte où la hausse des défauts post‑cycle est statistiquement normale.
  • Le risque d’amplification provient du sentiment, plus que des fondamentaux. Plusieurs gérants parlent d’une réaction « réflexe » (knee‑jerk). Les banques européennes ont renforcé leurs ratios de capital et assaini leurs bilans depuis une décennie; la baisse récente ressemble davantage à un abaissement de multiples qu’à un choc solvabilité.
  • Point technique: la surperformance du secteur bancaire européen en 2025 (+50% pour l’indice) accroît mécaniquement la vitesse de la consolidation lorsque les flux se retournent.

Implications pour investisseurs:

  • Gestion du risque: réduire l’exposition tactique aux banques les plus cycliques et aux prêteurs régionaux très concentrés sectoriellement; privilégier les franchises retail à dépôts stables et les assureurs avec duration gérée.

Or et argent: la ruée vers les actifs tangibles s’accélère

Pendant que les bancaires corrigeaient, les métaux précieux validaient un régime de flux différent. L’or franchit 4 200 l’once, un record, et l’argent dépasse 50 pour viser 53$. Depuis le début de l’année, le métal jaune progresse de plus de 60%, l’argent d’environ 83%, loin devant les actions américaines (+13%) et le bitcoin (+10%).

  • Macro‑récit: « trade de débasement » et couverture géopolitique. La chute marquée du dollar américain sur le premier semestre, l’envolée de la dette globale (>37 000 Md$), la persistance d’une inflation qui ronge le pouvoir d’achat, les tensions commerciales sino‑américaines et des anticipations de deux baisses de taux supplémentaires de la Fed entretiennent une demande structurelle pour l’or et l’argent.

Bitcoin: une valeur de réserve… qui se comporte comme un actif à risque

Malgré un narratif de « réserve digitale » censé résonner avec le trade de débasement, le bitcoin peine à capitaliser. La crypto glisse vers 110k après un rejet sous la moyenne mobile 100 jours autour de 115,4k. La paire BTC/XAU casse un support hebdomadaire, signe que le métal jaune attire davantage de flux de couverture à court terme.

  • Lecture de marché: le dernier décrochage est attribué à un débouclement de levier, non à une détérioration fondamentale. Néanmoins, la microstructure compte: lorsque les positions à effet de levier se vident, la corrélation avec les techs et le bêta de marché réapparaît, brouillant la thèse « anti‑fragile ».

Techniquement:

  • Support majeur: 110k–100k. Une clôture nette sous 110k puis 100k psychologique.

Allocation et gestion du risque:

  • Horizon court terme: prudence, taille de position réduite, couverture via options si disponibles, éviter le levier en phase de liquidité fragile.

Tarifs automobile: le prisme canadien entre répit américain, délocalisations et bras de fer commercial

Ottawa se retrouve à la croisée des chemins. Tandis que Washington prépare un allégement ciblé des droits de douane sur des pièces importées pour soulager le coût de production des constructeurs américains pendant cinq ans, le Canada encaisse déjà des contrecoups industriels et affronte un dilemme stratégique sur les véhicules électriques chinois. Au centre du jeu, l’emploi en Ontario, la compétitivité de la chaîne d’approvisionnement nord-américaine et l’équilibre diplomatique avec Washington et Pékin.

Ce que change l’allégement américain côté coûts… pour le Canada

  • Les États‑Unis s’orientent vers une prolongation quinquennale d’un mécanisme d’offset tarifaire sur pièces importées, offrant de la visibilité aux OEMs (Original Equipment Manufacturers, en français “constructeurs d’équipement d’origine”) qui produisent et vendent sur le sol américain. Parallèlement, la formalisation de tarifs sur camions importés et des exemptions liés au contenu régional consolide l’ancrage domestique des chaînes de valeur.
  • Effet d’attraction: cette visibilité et ces économies à l’import (de l’ordre de quelques centaines de points de base sur certains modèles) créent un aimant à investissements au sud de la frontière, au moment où les constructeurs arbitrent finement leurs capacités entre États‑Unis, Canada et Mexique.
  • Lecture marché: les titres GM, Ford, Stellantis ont réagi positivement aux signaux de répit tarifaire aux USA. Mais côté canadien, l’avantage-coût relatif se dégrade si Ottawa n’obtient pas, via l’ACEUM ou des incitatifs domestiques, une équivalence de compétitivité.

Stellantis: l’onde de choc en Ontario

  • Mouvement industriel: Stellantis prévoit de rapatrier une partie de la production aujourd’hui à Brampton (Jeep Compass) vers Belvidere, Illinois, avec un investissement de 600 millions et plus de 5000 emplois créés aux États-Unis d’ici 2027dans un plan global de 13 milliards. L’objectif implicite: contourner/atténuer l’impact des nouveaux tarifs américains.
  • Risques emploi: Unifor alerte sur environ 3 000 postes directs potentiellement en jeu à Brampton et jusqu’à 12 000 emplois indirects (fournisseurs de pièces, logistique). Le projet de modernisation du site de Brampton est suspendu depuis février; Windsor poursuit, lui, sa montée en puissance sur les batteries.
  • Réponses politiques: Ottawa et Queen’s Park promettent de « tenir Stellantis responsable » de ses engagements, avec menaces de recours juridiques et activation de clauses de remboursement (clawbacks) si les obligations de production au Canada ne sont pas respectées. Le message: l’argent public reste conditionnel à la présence industrielle et à l’emploi.

Conséquences chaîne de valeur au Canada:

  • Constructeurs canadiens: pression pour sécuriser un nouveau programme produit à Brampton si Compass s’en va. Sans visibilité à 5–10 ans, le risque est la perte de « muscle » industriel et d’écosystèmes fournisseurs de proximité.
  • Équipementiers: volumes et capex suspendus à la décision de Stellantis; si les OEMs internalisent le gain tarifaire américain, la renégociation des prix aux fournisseurs canadiens s’intensifiera.
  • Main‑d’œuvre et territoires: effets boule de neige sur la formation, la transmission intergénérationnelle des métiers industriels et les finances municipales liées à l’assiette fiscale des usines.

EV chinois: le dilemme des 100% de droits au cœur d’un marchandage plus large

  • Cadre actuel: le Canada applique 100% de droits sur les EV importés de Chine (et 25% sur acier/aluminium chinois), aligné sur l’argumentaire de protection de la fabrication nord‑américaine et de lutte contre les subventions jugées déloyales.
  • Pressions et signaux: Pékin laisse entendre une réciprocité sur le canola (levée des tarifs élevés) si Ottawa abandonne les droits sur les EV chinois. Des voix dans l’Ouest demandent de saisir l’échange; l’Ontario s’y oppose fermement au nom de l’emploi manufacturier.
  • Position d’Ottawa: Mark Carney refuse de réduire la relation commerciale à un troc sectoriel. Toute inflexion sur les EV chinois doit être évaluée à l’aune des interdépendances avec Washington, des engagements d’investissement au Canada (batteries, assemblage) et de la résilience de la base industrielle.

Impacts potentiels pour l’écosystème canadien:

  • Si Ottawa maintient les 100%: protection explicite des usines et des chaînes batteries (Windsor), alignement politique avec Washington, mais pertes d’accès possibles sur l’agro (canola) et tensions persistantes avec la Chine.
  • Si Ottawa lève/réduit les droits: baisse des prix consommateurs potentielle à court terme, mais risque d’érosion de la part de marché des EV assemblés en Amérique du Nord et d’éviction d’investissements futurs; friction possible avec les États‑Unis et affaiblissement de la position canadienne dans les négociations trilatérales.

Ce que doivent faire les décideurs canadiens maintenant

  • Conditionner strictement les aides: accélérer les clauses de performance et les jalons d’emploi/capex dans les ententes de subventions; activer sans délai les clawbacks si non‑respect.
  • Proposer une « équivalence de compétitivité »: crédits d’impôt ciblés sur composants critiques, accélération des délais d’homologation et de raccordements énergétiques pour usines, et guichet unique fédéral‑provincial pour les projets stratégiques.
  • Négocier un « corridor d’exemptions » nord‑américain: défendre un traitement de contenu régional qui évite une course au moins‑disant intra‑USMCA; arrimer l’allégement tarifaire américain à des engagements d’assemblage au Canada.
  • Cartographier les risques d’emploi: plans de transition pour Brampton (repositionnement produit, potentiel multi‑marques), sécurisation des chaînes de pièces locales et requalification accélérée vers batteries/électronique de puissance.

En synthèse

  • Les allégements tarifaires aux États‑Unis créent un différentiel de coûts et de visibilité qui attire la capacité vers le sud.
  • Le Canada doit convertir des promesses d’investissement en volumes fermes, sinon la chaîne d’approvisionnement se délite par capillarité.
  • Le dossier des EV chinois n’est pas une simple variable d’ajustement: il engage la crédibilité industrielle, la cohérence trilatérale avec Washington et la résilience de l’emploi.

Une matrice de risques croisés

Ce qui connecte les quatre dossiers n’est pas un simple fil rouge macro, mais une matrice de risques:

  • Taux et liquidité: des baisses de taux supplémentaires renforceraient les métaux précieux, allégeraient la charge d’intérêt des banques mais pèseraient sur les marges d’intérêt nettes; elles seraient neutres à positives pour l’auto (crédit conso), mitigées pour le bitcoin (si le dollar se détend mais que l’appétit pour le risque reste hésitant).
  • Dollar: une poursuite de la faiblesse du dollar est un vent arrière pour l’or/argent; elle réduit les pressions sur les émergents importateurs de pièces auto; elle atténue la valorisation relative des profits bancaires européens (effets de traduction) et peut favoriser des entrées en crypto si la liquidité globale augmente.
  • Géopolitique commerciale: le répit tarifaire automobile illustre une logique de « flexibilité ciblée ». À l’inverse, une escalade USA‑Chine réactiverait la demande de couverture (or) et la prime de risque (banques), tout en créant du bruit sur le narratif bitcoin.

Stratégies d’allocation et de couverture

⚠️ Avertissement: Ces exemples ne constituent pas un conseil en investissement.

  • Noyau défensif: exposition à l’or (physique/ETF adossés), part mesurée à l’argent pour le bêta; obligations de qualité en duration contrôlée si la Fed confirme l’assouplissement graduel.
  • Cyclique discipliné: bancaires européennes à bilans forts et dépôts domestiques, avec surveillance serrée des NPL et des coûts du risque; éviter les prêteurs monoligne fortement exposés aux secteurs en stress.
  • Thématiques: équipementiers auto différenciés par la R&D et l’électronification; OEMs avec mix produit orienté SUV/camionnettes profitant des ajustements tarifaires, et discipline de capital.
  • Crypto: allocation satellite, gestion du risque stricte; privilégier les moments de capitulation technique pour renforcer prudemment; garder en tête la corrélation résiduelle avec les actifs risqués.
  • Couvertures: paniers put spread sur indices bancaires en cas de détérioration des casseroles de crédit; couvertures dollar en face d’expositions matières premières; collars sur titres auto après rallye de nouvelle.

Ce qu’il faut surveiller dans les 4 à 6 semaines

  • Banques: publications trimestrielles (coût du risque, guidance NIM- Net Interest Margin ou marge nette d’intérêt), tendances dépôts, commentaires sur standards de crédit; indices de défauts sur conso et PME.
  • Métaux précieux: flux ETF, achats officiels, trajectoire du dollar et des rendements réels.
  • Bitcoin: réaction de la zone 110k/100k, données on‑chain (flux whales), corrélation avec Nasdaq; calendrier macro (Fed blackout, données post‑shutdown).
  • Automobile: texte final de l’allégement tarifaire, portées exactes sur camions importés, réactions des partenaires commerciaux; passage dans les marges au T1/T2 des OEMs.

Conclusion: un marché de sélectivité et de timing

Le marché 2025 n’est pas celui des paris indifférenciés, mais celui de la sélectivité, du timing et de l’arbitrage géographique. Les banques doivent prouver que les « cafards » restent isolés; l’or et l’argent surfent une marée fondamentale mais restent sensibles aux reflux techniques; le bitcoin progresse par à‑coups, entre narratif de réserve et réalité de bêta. Côté automobile, l’aspect tarifaire au sud de la frontière crée un différentiel de coûts et d’attractivité qui capte les capacités vers les États‑Unis, avec des effets tangibles pour l’Ontario: pressions sur Brampton, besoin d’ancrer des programmes produits au Canada, et dilemme stratégique sur les EV chinois (100% de droits) au cœur d’un marchandage commercial plus large.

Source :

https://www.msn.com/en-us/money/markets/us-nears-tariff-relief-for-auto-industry-after-lobbying-push/ar-AA1OCsHB?cvid=68f22fdb13ba40d7863d87b12934dcf9&ocid=nl_article_link

https://www.cnbc.com/2025/10/17/global-bank-stocks-sell-off-as-fears-mount-over-bad-loans.html

https://www.investing.com/analysis/gold-and-silver-extend-historic-gains-as-bitcoin-struggles-for-momentum-200668655

https://www.ctvnews.ca/politics/article/carney-wont-say-whether-canada-will-drop-chinese-ev-tariffs

L’auteur de ce billet, Richard Dussault, gestionnaire principal chez DayTrader Canada, déclare ne détenir aucune position dans les titres mentionnés et n’a aucune intention d’initier des positions dans les 72 prochaines heures. Ce billet est une opinion et ne doit en aucun temps être considéré comme un conseil en investissement.

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