Faits saillants
Dans l’univers de l’intelligence artificielle, certaines annonces ne déplacent pas seulement les lignes: elles redessinent la carte. Le partenariat stratégique entre AMD et OpenAI appartient à cette catégorie. En s’engageant à déployer jusqu’à 6 gigawatts (GW) de capacité GPU AMD sur plusieurs générations, avec un premier jalon à 1 GW attendu au second semestre 2026, OpenAI installe AMD au cœur du plus ambitieux chantier d’infrastructure numérique de la décennie. En toile de fond, un marché qui s’interroge sur la soutenabilité de ces capex, la trajectoire des valorisations technologiques et, de façon plus inattendue, l’ascension de l’or au-delà de 4 000 dollars l’once, nourrie par un cocktail d’incertitudes macro et de “debasement trade”.
Un “ moment Nvidia ” pour AMD, sans détrôner le roi
Les termes de l’accord sont spectaculaires. Outre l’engagement de capacité, AMD a accordé à OpenAI des bons de souscription pouvant atteindre 160 millions d’actions, susceptibles de représenter environ 10% du capital en cas d’exercice intégral, conditionnés à des jalons techniques, commerciaux et boursiers exigeants. Le message, côté AMD, est limpide: “tens of billions” de revenus IA annuels à terme, et potentiellement plus de 100 milliards de dollars de chiffre d’affaires cumulés sur l’horizon du programme. Pour un groupe dont les revenus des centres de données des douze derniers mois avoisinent 14 milliards, l’effet de levier est transformant.
Les investisseurs ont réagi au quart de tour: l’action AMD a bondi de près de 24% sur la séance de l’annonce, franchissant une zone de résistance travaillée depuis début 2024. Plusieurs maisons (Barclays, Wedbush, CFRA) ont relevé leurs objectifs, voyant dans ce contrat un “proof point” de l’appétit insatiable pour la capacité de calcul plus qu’un transfert de parts de marché massif aux dépens de Nvidia. Car le paradoxe tient: pendant qu’AMD décroche son deal “game changer”, OpenAI a parallèlement paraphé un partenariat encore plus vaste avec Nvidia, visant au moins 10 GW de data centers IA et jusqu’à 100 milliards de dollars d’investissements associés. La domination de Nvidia — architecture, écosystème CUDA, cadence d’innovations — ne se dément pas.
Pour autant, l’entrée d’AMD dans la cour des hyperscalers à très grande échelle clarifie une trajectoire de croissance qui, jusqu’ici, souffrait d’un déficit de visibilité. La plateforme Instinct (série MI) et les solutions “full rack” prévues pour 2026 gagnent une vitrine hors norme. Et l’argument stratégique — la flexibilité de GPU marchands face aux ASIC sur des charges hétérogènes et évolutives — trouve un écho dans l’environnement actuel, où la vitesse d’itération logicielle est clé.

Advanced Micro Devices Inc (NASDAQ: AMD), source tradingview.
La face B: exécution, valorisation, circularité du risque
L’enthousiasme ne doit pas masquer les angles morts. D’abord, l’exécution: sur plusieurs nœuds successifs, AMD devra orchestrer un alignement parfait entre conception, chaîne d’approvisionnement (TSMC en première ligne), packaging avancé, rendement et montée en cadence. Ensuite, la circularité du risque financier: les garanties accordés à OpenAI diluent potentiellement, mais peuvent s’avérer créateurs de valeur si la trajectoire opérationnelle justifie des niveaux de cours bien supérieurs. Surtout, la soutenabilité macro des capex IA — qui s’agrègent déjà à des plans dépassant le demi‑trillion de dollars pour les hyperscalers — reste un débat ouvert.
Jensen Huang, le patron de Nvidia, réfute le parallèle avec la bulle dot‑com: la base installée, les revenus datacenters et la migration structurelle du CPU vers le GPU pour l’IA générative n’ont rien de commun avec la spéculation des années 2000. Les optimistes verront une économie de capacité en formation; les prudents rappelleront que de telles vagues d’investissement ont rarement été linéaires. La réalité, à court terme, est qu’AMD se paie désormais une prime relative alimentée par une “repricing” de ses perspectives IA; courir derrière le momentum après un gap de plus de 20% expose mécaniquement au risque de consolidation.
OpenAI, variable d’ajustement systémique
Derrière AMD et Nvidia, c’est bien OpenAI qui est devenue la variable d’ajustement de cette nouvelle “économie de l’IA”. Son plan d’infrastructure, chiffré en centaines de milliards, irrigue toute la chaîne: fondeurs, fabricants d’équipements, intégrateurs, mémoire HBM, réseau optique… Dans un marché qui se demande si la demande finale (agents IA, copilotes, moteurs conversationnels, IA multimodale) absorbera la capacité au rythme supposé, OpenAI joue les catalyseurs — ou les révélateurs — de l’appétit réel pour le calcul intensif. Les prochains trimestres diront si l’élasticité prix‑usage suit, et si les business models se normalisent au‑delà de la phase subventionnée par le capital.
Quand l’or brille à 4 000 dollars: le miroir macro
C’est dans ce contexte d’euphorie — et de doutes rationnels — que l’or a franchi, pour la première fois, la barre des 4 000 dollars l’once. Le métal jaune a progressé d’environ 54% depuis le début de l’année, porté par un double moteur: flux record dans les ETF occidentaux et achats persistants des banques centrales, notamment des économies émergentes. Les stratèges de Goldman Sachs visent désormais 4 900 dollars d’ici 2026, arguant que ces flux sont “sticky”, autrement dit collants, car ancrés dans des rationalités structurelles: diversification des réserves, préoccupations géopolitiques, volatilité des marchés actions.
Le discours de “debasement trade” — l’idée que les investisseurs se prémunissent contre l’érosion de la valeur réelle des actifs libellés en dollar, sous l’effet de déficits élevés et d’un questionnement, même théorique, sur l’indépendance monétaire — a repris des couleurs. Le Conseil Mondial de l’Or note toutefois que la corrélation or‑actions dépend de la trajectoire du dollar: dans deux tiers des corrections boursières depuis 1973, le billet vert a baissé, renforçant le rôle refuge de l’or. À l’inverse, un rebond tactique du dollar pourrait catalyser des prises de profits sous 4 000 dollars, avec des zones de soutien techniques observées autour des moyennes mobiles 20 et 50 jours.
IA bouillonnante, or flamboyant: deux faces d’un même cycle
Quel lien entre ces deux histoires? Un seul, central: la prime de risque. Du côté technologique, la prime de risque s’écrase à mesure que l’IA promet des flux de trésorerie futurs massifs et — pour l’instant — peu sensibles au cycle; du côté des refuges, elle se renchérit, car l’ampleur même des investissements requis questionne la stabilité des équilibres macro: dettes publiques, trajectoires de devises, valorisations d’actifs. En langage de marché, c’est la cohabitation d’un “long duration growth” et d’un “long convexity hedge”.
Ce que signifie “6 GW” en langage économique
La métrique peut sembler ésotérique. 1 GW de capacité datacenter IA implique, selon les estimations de marché, 50 à 60 milliards de dollars d’infrastructures totales: foncier, génie électrique, refroidissement, réseau, serveurs, GPU. À 6 GW, c’est potentiellement 300 milliards de dollars qui se déploient sur la chaîne de valeur, dont une part de 30% ou plus captée par les fournisseurs de capacité de calcul. L’intérêt d’AMD n’est pas seulement la vente de puces: c’est l’ancrage dans des solutions “full stack” qui fidélisent l’usage et favorisent un écosystème logiciel alternatif (ROCm), condition sine qua non pour grignoter l’avance de CUDA.
Le test des 12–18 mois: de la lettre d’intention au cash-flow
La normalisation de ces promesses passe par des jalons concrets. Le premier gigawatt prévu pour 2026 sera un révélateur. Il faudra aussi surveiller la “mixité” des charges: entraînement vs inférence, car le profil d’utilisation et de monétisation diffère, influençant la courbe d’usage de la capacité. Enfin, la qualité des financements côté OpenAI — equity, dette, partenariats — déterminera la stabilité du plan de charge pour les fournisseurs.
En conclusion: l’IA écrit la partition, l’or tient la note
L’annonce AMD–OpenAI valide une intuition devenue certitude: l’économie de l’IA est entrée dans sa phase d’industrialisation lourde. AMD obtient sa séquence “Nvidia moment”, sans renverser la hiérarchie mais en s’assurant une place durable à la table des grands architectes du calcul accéléré. Les investisseurs salueront la clarification de la trajectoire; ils devront, dans le même mouvement, garder un œil sur la mécanique d’exécution.
À l’autre bout du spectre, l’or au‑delà de 4 000 dollars rappelle que chaque ruée technologique porte sa contrepartie de précaution macro. Tant que les banques centrales achètent, que les flux ETF persistent et que le dollar n’impose pas un contre‑pied durable, le support structurel reste en place. L’époque veut que l’on puisse, simultanément, financer le futur et s’assurer contre ses aléas.
Source :
https://seekingalpha.com/article/4828437-amd-the-openai-deal-real-game-changer-to-savor
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