Faits saillants
Les marchés ont connu une semaine agitée, dominée par une seule question : sommes-nous en plein cœur d’une bulle de l’intelligence artificielle?
Une question qui semblait presque théorique… jusqu’à ce que la réaction du marché aux résultats exceptionnels de Nvidia rallume les doutes.
Car si Nvidia a livré un trimestre à en décrocher la mâchoire, ou « drop the mic » — pour reprendre les mots de Wedbush — ses actions ont pourtant terminé en territoire négatif. Un contraste saisissant qui en dit long sur l’état d’esprit des investisseurs : enthousiasme extrême, mais nervosité grandissante.
Dans ce billet, nous revenons sur cette semaine qui a secoué Wall Street :
- le phénomène bulle IA et la réaction paradoxale à Nvidia,
- un marché qui peine à stabiliser ses attentes,
- un secteur du détail en pleine saison des résultats,
- et une fin de semaine teintée d’aversion au risque dans la technologie, les cryptos et l’énergie.
Nvidia livre un trimestre historique… mais l’action recule
Tout semblait réuni pour une envolée.
Nvidia a dévoilé mercredi soir un trimestre stratosphérique :
- bénéfice ajusté de 1,30 dollar par action (contre 0,78 dollar il y a un an),
- revenus de 57,01 milliards, en hausse de 62 %
- revenus du centre de données : 51,22 milliards, +66 %,
- demande « off the charts » pour les puces Blackwell.
Même la prévision pour le trimestre actuel a écrasé le consensus :
65 milliards de revenus, alors que Wall Street n’en attendait que 61,8.
CFO Colette Kress en a remis une couche :
« Nous avons une visibilité de plus de 500 milliards de revenus potentiels de 2024 à 2026. »
Pour beaucoup d’entreprises, cela équivaudrait déjà à une décennie de croissance.
Alors pourquoi l’action a-t-elle plongé?
Plusieurs raisons :
- les valorisations qui deviennent très difficiles à justifier,
- des investisseurs déjà surachetés dans l’IA,
- des créances en hausse qui inquiètent certains analystes,
- et surtout : une nervosité croissante autour de la possibilité… d’une bulle IA.
Même après l’intervention directe de Jensen Huang pour dire que non,
« nous ne sommes pas dans une bulle. Nous voyons trois transformations structurelles simultanées. »
… le marché n’a pas été rassuré.
Le message du marché est clair : les résultats sont extraordinaires, mais le prix aussi.
C’est cette tension — entre fondamentaux explosifs et peur que le cycle IA soit allé trop vite — qui définit l’humeur actuelle de Wall Street.
Wedbush : “Ceci est un moment 1996… pas 1999.”
Daniel Ives, qui est probablement l’analyste le plus optimiste de toute la Silicon Valley, minimise l’idée d’une bulle.
Selon lui :
- l’IA n’en est qu’à l’an 3 d’un cycle de 10 ans,
- le marché vit un moment équivalent à l’arrivée du web en 1996,
- pas à l’éclatement de 1999.
Il décrit le trimestre de Nvidia comme :
« le point de validation le plus important de la révolution IA depuis trois ans. »
Et il estime que les dépenses liées à l’IA pourraient atteindre 550 à 600 milliards dès 2026.
Pourtant, la semaine boursière raconte une histoire bien différente
Malgré l’euphorie entourant Nvidia, l’ensemble des indices américains se dirigent vers l’une de leurs pires semaines depuis mars.
Sur la semaine :
- S&P 500 : -2,9 %
- Dow Jones : -3 %
- Nasdaq : -3,6 %
Le marché :
- réduit ses attentes pour une baisse de taux en décembre (probabilité tombée à ~31 %),
- digère un rapport sur l’emploi plus solide que prévu,
- s’inquiète de l’absence de données officielles pendant le ‘shutdown’.
On assiste à un phénomène typique d’une bulle naissante : les investisseurs vendent dans la force et ne poursuivent pas la hausse.
Le spectre de la bulle IA : signaux à surveiller
Voici les signaux qui alimentent l’inquiétude :
1. Volatilité extrême dans les géants technos
Nvidia a bougé de +5 % à -3 % en moins de 24 heures.
Même scénario pour d’autres titres IA :
- Broadcom en baisse,
- AMD qui retombe,
- Oracle qui a perdu plus du tiers de sa capitalisation depuis septembre.
2. Les signaux de saturation dans le financement IA
Les critiques visant les investissements circulaires entre hyperscalers (méga-fournisseur infonuagique), startups et fournisseurs GPU reviennent.
Huang a dû répondre longuement à ces accusations.
3. Des projections long terme qui deviennent vertigineuses
500 milliards de “visibilité” à 2026, c’est monumental… assez pour que certains se demandent :
“Est-ce qu’on extrapole trop vite?”
4. Et bien sûr : la comparaison historique… impossible à éviter
1999 n’est jamais loin dans l’imaginaire collectif.
Capital Economics nuance tout cela :
“Même si la bulle IA éclatait, la correction serait probablement plus courte et moins brutale que l’éclatement du dot-com.”
Le retail entre en scène : Walmart ouvre le bal
Pendant que le secteur technologique monopolisait l’attention cette semaine, le commerce de détail publiait aussi plusieurs résultats importants, en commençant par Walmart, le plus grand détaillant au monde.
Walmart a donné le ton en présentant des résultats solides, malgré un environnement économique encore fragile. Les ventes du géant ont bénéficié d’un consommateur américain qui recherche davantage de prix bas et d’achats essentiels, un comportement typique lorsque les taux d’intérêt sont élevés et que l’incertitude économique plane. La direction a toutefois rappelé que la croissance reste modérée et très dépendante de stratégies de prix agressives.
Ensuite, plusieurs détaillants plus spécialisés ont suivi.
Gap a surpris positivement avec de meilleures ventes que prévu, principalement grâce à Old Navy et Banana Republic.
Ross Stores a également dépassé les attentes, appuyé sur une saison « back to school » plus forte qu’anticipé et une demande soutenue pour les détaillants à bas prix.
BJs Wholesale Club publiait aussi ses résultats vendredi matin.
Cette période est l’une des plus importantes de l’année pour le commerce de détail, car elle donne un aperçu direct de la santé du consommateur avant le Black Friday et la saison des Fêtes.
Pour l’instant, le message est clair :
le consommateur dépense encore, mais avec prudence, et les détaillants qui réussissent sont ceux capables d’offrir des prix compétitifs ou une valeur perçue plus élevée dans un contexte de budgets resserrés.
Marché en fin de semaine : prudence généralisée
Vendredi matin :
- Nasdaq 100 futur : -0,5 %
- S&P 500 futur : -0,1 %
- Dow futur : +0,3 %
Les secteurs les plus touchés cette semaine :
- technologie
- consommation discrétionnaire
Les cryptos sont aussi en correction, Bitcoin et Ether étant revenus à des creux pluri-mensuels.
Le pétrole poursuit également sa baisse, en partie à cause des discussions géopolitiques susceptibles d’augmenter l’offre mondiale.
Conclusion : une semaine emblématique du dilemme de l’IA
Cette semaine résume parfaitement l’état actuel des marchés :
une industrie IA en pleine explosion, mais une confiance qui vacille.
Nvidia prouve chiffres à l’appui que l’IA transforme réellement l’économie.
Mais les investisseurs craignent que la vitesse de cette transformation dépasse la capacité du marché à l’absorber.
Le résultat?
Des montagnes russes boursières, un sentiment fragile, et une fin d’année qui s’annonce particulièrement volatile.
📘 Glossaire express
Bulle IA
Situation où l’enthousiasme autour de l’intelligence artificielle pousse les valorisations boursières très au-delà de ce que les résultats financiers pourraient justifier.
Hyperscalers
Les plus grands fournisseurs mondiaux de services infonuagiques (cloud), comme Amazon Web Services, Microsoft Azure et Google Cloud. Ce sont les principaux acheteurs de puces Nvidia pour l’IA.
GPU (processeur graphique)
Puces spécialisées capables de traiter un très grand nombre de calculs en parallèle. Elles sont essentielles à l’intelligence artificielle moderne.
Blackwell / Rubin (puces Nvidia)
Noms de code des nouvelles générations de processeurs d’IA de Nvidia, conçus pour les centres de données et les modèles d’IA avancés.
Receivables (comptes clients)
Sommes dues à l’entreprise par ses clients après la livraison de produits. Une forte hausse peut indiquer une croissance rapide… ou des délais de paiement.
Capex
Dépenses d’investissement à long terme. Dans le secteur de l’IA, cela inclut la construction de centres de données, l’achat de serveurs et l’infrastructure de calcul.
Futures (contrats à terme)
Outils financiers permettant de parier sur la direction future d’un indice ou d’un actif. Souvent utilisés pour anticiper l’ouverture des marchés.
Retail (secteur du commerce de détail)
Entreprises qui vendent directement aux consommateurs, comme Walmart, Gap ou Ross Stores. Le retail reflète souvent la santé du consommateur.
Infonuagique
Ensemble des services informatiques accessibles via Internet, comme le stockage, les serveurs ou l’IA à distance.
Décrochage technique
Baisse soudaine dans un actif ou un secteur après une période de hausse trop rapide, souvent causée par des prises de profit.
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Source :
L’auteur de ce billet, Richard Dussault, gestionnaire principal chez DayTrader Canada, déclare ne détenir aucune position dans les titres mentionnés et n’a aucune intention d’initier des positions dans les 72 prochaines heures. Ce billet est une opinion et ne doit en aucun temps être considéré comme un conseil en investissement.
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